Prédication du 9 mai, Parlez-moi d'amour 2/2, Loin des yeux, près du coeur

 

Loin des yeux, près du cœur

 

Les disciples avaient peut-être espéré que leur deuil était révolu.

Que la noirceur de Vendredi-Saint avait été balayée de l’histoire.

Que les retrouvailles avec le Christ seraient éternelles.

 

En ce jour de l’Ascension, voilà que ces espoirs s’envolent.

 

Une fois encore le Christ disparaît à la vue des siens.

Il s’absente du monde.

Et même s’il promet aux disciples qu’ils seront bientôt revêtus d’une puissance venue d’en haut, jusqu’à Pentecôte, les voilà complètement livrés à eux-mêmes, livrés à eux seuls.

 

Et pourtant, vous l’avez remarqué, leur état d’esprit n’a rien à voir avec celui de Vendredi-Saint.

L’heure n’est plus à la tristesse mais à la joie ; plus à la sidération paralysante mais à l’élan ; plus au repli mais au déploiement.

 

Comment un tel changement a-t-il été possible ? En quoi pourrait-il nous transformer aujourd’hui ? Pour le découvrir, je vous propose de prendre en parallèle le long récit de l’Ascension d’Élie et la très courte évocation de celle de Jésus dans l’évangile de Luc. Ce qu’ils ont en commun me paraît significatif.

 

Élie.

Son prénom, אֵלִיָּהו, signifie « Mon Dieu est יהוה».

C’est une référence à sa fidélité absolue au seul Dieu d’Israël. À sa lutte contre tout culte adressé à d’autres dieux comme Baal. Une lutte qui a été particulièrement manifeste dans son opposition au roi Achab et à sa femme Jézabel.

 

Élie arrive donc au terme de son périple terrestre.

Élisée est son successeur désigné.

À ce titre, il le suit partout tel un élève qui sait avoir encore tant à apprendre de son maître et si peu de temps pour le faire.

 

Élie arrive au terme de son parcours sur terre, mais Dieu n’a pas fini de le balader. (Vous en avez l’illustration sur le feuillet.)

 

Suivi fidèlement par Élisée, il va de Guilgal à Béthel. Puis demi-tour pour revenir à Jéricho. Prolongement du demi-tour par la traversée du Jourdain, ce qui l’amène au-delà du fleuve, à proximité du Mont Nebo.

 

Je ne sais pas si ce trajet vous parle.

 

Mais Élie vit ici l’exact inverse du chemin que le peuple des Hébreux a suivi, sous l’autorité de Moïse puis de Josué, pour entrer en terre promise.

 

Le Mont Nébo, c’est là où Moïse est mort. Dieu lui ayant permis de voir la terre promise sans pour autant y entrer.

À partir de là, Josué a pris la relève pour faire traverser le Jourdain au peuple.

Guilgal serait le lieu du premier sanctuaire construit par les Hébreux en terre promise.

 

On peut donc dire qu’au moment où Élisée succède à Élie, se rejoue quelque chose de l’ordre de l’entrée en terre promise. Puisqu’Élisée va refaire le chemin du peuple des Hébreux.

Ce n’est sans doute pas un hasard.

Ce n’est assurément pas un hasard.

 

Je crois que c’est une manière de nous dire que l’entrée en terre promise ne se résume pas à ce qui s’est joué une fois dans un passé lointain.

L’entrée en terre promise n’est pas réservée aux aïeux de nos aïeux.

Par la grâce de Dieu, ce chemin de libération se donne à vivre et à revivre à chaque génération. Pour autant que nous sachions ouvrir les yeux et nous laisser éclairer sur ce qui, aujourd’hui, nous retient en esclavage et dont Dieu pourrait nous libérer.

 

Qu’est-ce qui me retient esclave ?

De quoi Dieu peut-il me libérer aujourd’hui ?

Quelle est la trajectoire, le chemin, qu’il ouvre dans ma vie ?

Voilà ce à quoi l’ascension d’Élie et sa succession par Élisée nous encourage à réfléchir.

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Le récit de l’ascension de Jésus offre une démarche assez semblable. Puisqu’en ce jour, Jésus parcourt le même chemin que le jour des Rameaux, mais, je vous le donne en mille, à l’envers.

 

Souvenez-vous, juché sur son ânon, Jésus arrivait de Béthanie. Il avait longé la vallée du Cédron, passé le fleuve, traversé le jardin de Gethsémané, atteint le mont des Oliviers, puis il était redescendu du côté du temple.

 

Aujourd’hui, c’est juste l’inverse ; il part de la ville et il emmène ses disciples jusque vers Béthanie, passant successivement par le mont des Oliviers, Gethsémané, la vallée du Cédron.

 

Aujourd’hui, le Christ invite ses disciples à quitter Jérusalem, devenue un lieu d’hostilité et de peur, pour rejoindre un coin de pays riche en souvenirs heureux.

 

Béthanie, c’est là où vivent Marthe, Marie et Lazare…

Là où Jésus a affirmé « je suis la résurrection et la vie »

Là où une femme avait versé sur lui une bouteille de parfum de grand prix… 

 

Autant d’éléments qui me permettent de dire que ce demi-tour est une célébration de la vie… La vie plus forte que la mort. Plus forte que le meurtre et que la violence. La vie plus forte aussi que la peur, le doute, le sentiment d’abandon.

 

Car c’est le cœur en joie que les disciples retournent tout de même à Jérusalem qui devient alors un lieu refuge pour eux, 10 jours durant, avant qu’ils ne deviennent des apôtres itinérants. 

 

Quel retournement de situation. C’est une véritable résurrection pour les disciples.

 

Parce qu’il est élevé au ciel, le Christ leur dévoile, le Christ nous dévoile notre liberté, notre autonomie, notre capacité à continuer le chemin autrement.

 

Alors, prenez le temps. Prenez le temps de faire mémoire des appels à la vie que le Christ vous a lancés, d’entendre ceux qu’il vous adresse. Et trouvez votre lieu refuge dans lequel vous pourrez, en joie et en confiance, laisser résonner cet appel, y répondre et vivre une résurrection semblable à celle des disciples le jour de l’ascension.

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Je souligne encore un point commun à ces récits qui sont des chemins de libération, des chemins de résurrection.

 

L’entrée en terre promise, le départ en mission, se vivent sans les anciens, sans les figures modèles, sans les précurseurs.

 

Moïse a dû laisser Josué et le peuple des Hébreux franchir le Jourdain sans lui.

Élisée retourne dans cette terre sans Élie.

Les disciples s’apprêtent à recevoir l’Esprit Saint en l’absence de Jésus.

 

Il y a donc une forme d’effacement de ces figures fortes, de ces précurseurs. Cet effacement, n’est pas une attaque contre les anciens. Puisque Dieu les fait sortir de l’histoire en restant présent avec eux. Il les attire à lui.

 

Cet effacement, je l’entends positivement, pour la génération d’aujourd’hui, qui est autorisée à se défaire du modèle hérité pour poursuivre la même mission de manière différente.

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Ces deux récits disent, sans le moindre doute, l’incroyable amour de Dieu pour son peuple.  Lui qui ne cesse de nous ouvrir des chemins de libération, des chemins de résurrection. Pour paraphraser l’écrivain Daniel Pennac, je dirais que Dieu ne se contente pas de nous aimer toujours. Il s’attache à nous aimer tous les jours.

 

Quel cadeau.

 

Cela dit, aujourd’hui, une palme particulière pour Jésus-Christ. En ce jour, il nous adresse la plus belle des déclarations d’amour que le Christ nous adresse.

 

Je m’explique.

 

Si vous êtes comme moi, vous n’aimez pas trop les départs et autres séparations. C’est toujours un peu triste.

 

Il y a une différence fondamentale dans ce départ du Christ par rapport à tous ceux que j’ai vécus et que je vivrai.

 

Lorsque quelqu’un nous quitte, il nous tourne le dos pour s’en aller ailleurs que là où nous sommes. Ou alors il nous passe devant, poursuit son chemin, nous laissant ainsi dans son dos. Ça revient à peu près au même.

 

L’évangile de Luc précise que Jésus est enlevé alors qu’il est en train bénir ses disciples.

 

Lorsque quelqu’un nous bénit, il nous souhaite le bien, il invoque le bon sur nous. Pour cela, il se tient face à nous et il nous regarde.

 

L’ascension de Jésus n’est ni une fuite ni un abandon. C’est un départ à reculons. Un passage de témoin. Les yeux dans les yeux. Dans un regard d’amour qui nous permet de prendre le relais avec confiance et joie.

Amen

 

  • Lecture de 2 Rois 2 : 1 à 15

Voici comment le Seigneur fit monter Élie au ciel dans un tourbillon de vent :

Élie et Élisée étaient partis de Guilgal.

Élie dit à Élisée : « Reste ici ; le Seigneur m'envoie à Béthel.» Mais Élisée lui répondit : « Aussi vrai que le Seigneur est vivant et que tu es vivant, je te l'affirme : je ne te quitterai pas ! » Et ils se rendirent ensemble à Béthel.

Les membres du groupe de prophètes qui habitaient Béthel sortirent vers Élisée et lui dirent : « Sais-tu qu'aujourd'hui le Seigneur va enlever ton maître dans les cieux ? » – « Oui, je le sais aussi, répondit Élisée ; taisez-vous ! »

Élie dit de nouveau à Élisée : « Reste ici, Élisée ! Le Seigneur m'envoie à Jéricho. » Mais Élisée lui répondit : « Aussi vrai que le Seigneur est vivant et que tu es vivant, je te l'affirme : je ne te quitterai pas ! » Ils se rendirent ensemble à Jéricho.

Les membres du groupe de prophètes qui habitaient Jéricho s'approchèrent d'Élisée et lui dirent : « Sais-tu qu'aujourd'hui le Seigneur va enlever ton maître dans les cieux ? » – « Oui, je le sais aussi, répondit Élisée ; taisez-vous ! »

Élie dit encore à Élisée : « Reste ici ; le Seigneur m'envoie au bord du Jourdain. » Élisée lui répondit : « Aussi vrai que le Seigneur est vivant et que tu es vivant, je te l'affirme : je ne te quitterai pas ! » Ils se mirent en route ensemble. 

Cinquante membres du groupe de prophètes les suivirent, mais ils s'arrêtèrent à distance, tandis que Élie et Élisée se tenaient sur la rive du Jourdain. 

Élie prit son manteau, le roula et en frappa les eaux du fleuve qui se séparèrent de part et d'autre, et ils traversèrent tous deux à pied sec.

Quand ils eurent traversé, Élie dit à Élisée : « Demande ce que tu désires que je fasse pour toi, avant que le Seigneur m'enlève d'auprès de toi. » Élisée répondit : « Que je reçoive une double part de ton esprit prophétique ! » – 

« Tu demandes une chose difficile, reprit Élie. Si tu me vois, au moment où le Seigneur me prendra d'auprès de toi, ta demande se réalisera ; si tu ne me vois pas, elle ne se réalisera pas. »

Pendant qu'ils marchaient et s'entretenaient, un char de feu, avec des chevaux de feu, les sépara ; et aussitôt, Élie monta dans les cieux dans un tourbillon de vent. 

Lorsque Élisée vit cela, il se mit à crier : « Mon père ! Mon père ! Tu valais tous les chars et tous les cavaliers d'Israël ! » Quand il ne vit plus Élie, il saisit ses vêtements et les déchira en deux. 

Ensuite, il ramassa le manteau d'Élie qui était tombé de ses épaules et il retourna sur la rive du Jourdain où il s'arrêta. 

Il prit le manteau d'Élie et frappa les eaux du fleuve, en s'écriant : « Où est le Seigneur, le Dieu d'Élie ? Oui ! Où est-il ? » Il frappa les eaux du fleuve, qui se séparèrent de part et d'autre, et Élisée traversa.

Les membres du groupe de prophètes de Jéricho le virent à distance et ils dirent : « L'esprit prophétique d'Élie repose sur Élisée ! » Ils vinrent à sa rencontre, s'inclinèrent jusqu'à terre devant lui.

 

  • Lecture de Luc 24 : 50 à 53

Jésus emmena les onze jusque vers Béthanie et, levant les mains, il les bénit. 

Or, comme il les bénissait, il se sépara d’eux et fut emporté au ciel. 

Eux, après s’être prosternés devant lui, retournèrent à Jérusalem pleins de joie, et ils étaient sans cesse dans le temple à bénir Dieu.