Prédication du 4 août, "Vivre l'évangile et réenchanter le monde"

 

Vivre l’évangile et réenchanter le monde

 

Un des fléaux de ce début de siècle, sous des airs parfaitement inoffensifs, c’est, la « to do list », en français « la liste de ce qu’il y a à faire ».

 

Allez voir les applications, y en a pour tous les goûts. Y compris, et j’ai cru m’étrangler, une application pour les « lazy girls », les « jeunes femmes fainéantes ». Je n’ai pas trouvé l’équivalent pour les hommes… À ces « lazy girls », on leur propose un planning hebdomadaire avec les courses, le ménage, l’arrosage des plantes, le défi de la semaine, le sport, la lecture, le tout avec un degré de détail et de précision qui donne l’impression qu’on s’adresse à des demeurées.

 

La « to do list »…

… Après ce que je viens de vous dire, j’ose à peine vous avouer que j’en suis une accro. Parce que c’est souvent le bazar dans ma tête. Il y a trop d’idées, de projets, de préoccupations, de pensées, d’impondérables qui s’y côtoient. Alors, face à la crainte d’oublier l’essentiel, j’ai un échéancier (je l’ai fait moi-même) sur lequel je note scrupuleusement tout ce que je dois faire et dans quel délai maximal.

 

Si ça vous arrive aussi, même pour des petites choses, alors vous connaissez ce sentiment de profonde satisfaction, quand vous pouvez biffer ce qui était à faire et dont vous vous êtes acquitté. Le geste devient addictif.

 

Cela dit, je ne suis pas dupe. Je sais que ce n’est pas la panacée. Que cela n’évite pas quelques oublis. Je sais aussi que je me donne parfois bonne conscience en marquant des tâches insignifiantes pour le plaisir de les biffer.

 

Mais voilà…. cette satisfaction de biffer ce qui a été fait, c’est quelque chose.

 

Enfin. Ça l’était. Jusqu’à ce que je relise Luc 17, versets 5 à 10.

 

La douche froide !

 

« De même, vous aussi, quand vous avez fait tout ce qui vous était ordonné, dites : “nous sommes des serviteurs quelconques. Nous avons fait seulement ce que nous devions faire“ ».

 

Je peux donc bien être satisfaite quand j’ai fait tout ce que je devais faire. Mais je n’ai aucun mérite à en tirer. Je ne vaux pas beaucoup plus que mon lave-linge qui tourne régulièrement pour moi, mais devant lequel je ne m’extasie pas et que je ne remercie jamais.

 

Cette parabole, elle est souvent appelée « la parabole du serviteur inutile ». Même si, dans la TOB, c’est l’adjectif « quelconque » qui est utilisé. Cette parabole, elle a quelque chose de sévère…

… Parce qu’on sait toute l’importance accordée à la reconnaissance de nos activités, qu’elles soient professionnelles, bénévoles ou autres. On a besoin d’être reconnu dans ce que l’on fait. On a besoin d’être remercié pour ce que l’on fait.

 

Cette parabole a donc quelque chose de sévère quand elle évoque l’inutilité de ce que nous faisons par seul devoir ou par seule obligation.

Mais en même temps, je trouve qu’elle éclaire notre quotidien et notre rapport au monde d’une manière assez intéressante.

 

La question initiale qui nous vaut, pour fin de réponse, la parabole du serviteur inutile ou quelconque, c’est la demande des disciples « Seigneur, augmente en nous la foi. »

 

Quand on lit régulièrement la bible, on l’a tellement en tête, cette phrase, qu’on peut la lire sans plus s’en étonner.

 

Il y a pourtant deux sources d’étonnement possibles, au moins.

 

Cette demande, elle intervient juste après un petit traité sur le pardon où Jésus encourage à pardonner jusqu’à 7 fois de la journée un même manquement.

Le lien entre les deux thématiques ne saute pas à l’esprit.

 

Et puis, les disciples évoquent l’augmentation de la foi. Mais la foi n’a pas de complément d’objet.

 

Quelle est donc la foi qu’ils aimeraient voir grandir en eux ? La foi en qui ? La foi en quoi ? Ça n'est pas dit. Et rappelons-nous que la foi, concept commun dans le christianisme, ne dit pas grand-chose aux Juifs de l’époque de Jésus. Ça ne fait pas partie de leur langage habituel, la foi.

 

Quand on cherche à comprendre pourquoi cette demande, à ce moment-là et de cette manière-là, on ne peut donc que supposer.

 

On peut par exemple supposer que tout ce que les disciples ont déjà vécu avec Jésus, tout ce que Jésus leur a déjà enseigné, les stimule, donne sens à leur vie, les gonfle à bloc. De ce point-de-vue-là, c’est ultra positif.

 

Mais on peut supposer que d’un autre côté, ils sont, à certains moments, saisis par la crainte. La crainte de ne pas être à la hauteur. À la hauteur du maître, de la tâche, des attentes des foules. Et que c’est cela qui explique leur demande.

 

Cette crainte, Jésus la balaie d’un revers de manche.

 

« Si vraiment vous aviez de la foi gros comme une graine de moutarde, vous diriez à ce sycomore : “Déracine-toi et va te planter dans la mer“, et il vous obéirait. »

 

Quand on sait que la graine de moutarde est dans les plus petites graines au monde et que le sycomore a pour réputation d’être un arbre très difficile à déraciner, la réponse de Jésus nous révèle que la foi n’est pas une affaire de taille. Une foi, même minuscule, peut permettre l’impensable, l’inconcevable.

 

Le surplus que les disciples demandent n’a donc aucun sens.

 

Voilà qui est déterminant, pour nous encore.Car cela signifie que nous n’avons pas à craindre quelque manque de foi que ce soit.

 

La foi, cette confiance en Dieu, en soi, dans les autres, dans le monde, elle nous est donnée. Et nous l’avons en suffisance.

 

Bien sûr, il y a des moments de doute, d’incompréhension, de peur, de rupture de confiance.

 

Mais l’essentiel n’est pas là.

 

Si avec une foi minuscule, nous pouvons déraciner un arbre, avec cette même foi, nous pouvons l’impensable.

 

Il y en a toujours qui diront que c’est impossible. Que nous avons déjà essayé. Que nos projets sont fous.

 

Jésus nous encourage à leur faire un pied de nez. Leur mentalité relève de la « to do list ». Jésus a d’autres ambitions pour nous.

 

Avoir pour ambition de déraciner un sycomore, c’est afficher la conviction qu’un autre ordre du monde est possible.

 

Avoir pour ambition de déraciner un sycomore, c’est afficher l’espérance que les dangers mortels, la mer en représentait un pour les Hébreux, peuvent devenir des oasis de vie.

 

Ce matin, Jésus nous demande de réenchanter le monde. Ça ne se fera pas à coup de traits dans une « to do list », mais, de manière plus poétique, plus prophétique, à la lumière de son évangile et de notre foi.

 

Là où toutes les lois humaines permettent, ou devraient permettre, au monde d’être vivable, Jésus nous incite à le transfigurer, à l’humaniser, à le rendre aimable. 

L’évangile, comme tel, ne suffira sans doute pas à sauver le monde, mais il reste le meilleur moyen de lui donner figure humaine.

 

Dieu sait qu’il en a aujourd’hui cruellement besoin.

 

Amen

 

  • Lecture de Deutéronome 30 : 11 à 16

Oui, ce commandement que je te donne aujourd’hui n’est pas trop difficile pour toi, il n’est pas hors d’atteinte.

Il n’est pas au ciel ; on dirait alors : « Qui va, pour nous, monter au ciel nous le chercher, et nous le faire entendre pour que nous le mettions en pratique ? »

Il n’est pas non plus au-delà des mers ; on dirait alors : « Qui va, pour nous, passer outre-mer nous le chercher, et nous le faire entendre pour que nous le mettions en pratique ? »

Oui, la parole est toute proche de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, pour que tu la mettes en pratique.

Vois : je mets aujourd’hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur, moi qui te commande aujourd’hui d’aimer le SEIGNEUR ton Dieu, de suivre ses chemins, de garder ses commandements, ses lois et ses coutumes. Alors tu vivras, tu deviendras nombreux, et le SEIGNEUR ton Dieu te bénira dans le pays où tu entres pour en prendre possession.

 

  • Lecture de Luc 17 : 5 à 10

Les apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi. »

Le Seigneur dit : « Si vraiment vous aviez de la foi gros comme une graine de moutarde, vous diriez à ce sycomore : “Déracine-toi et va te planter dans la mer“, et il vous obéirait. »

« Lequel d’entre vous, s’il a un serviteur qui laboure ou qui garde les bêtes, lui dira à son retour des champs : “Va vite te mettre à table ?“ Est-ce qu’il ne lui dira pas plutôt : “Prépare-moi de quoi dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive ; et après tu mangeras et tu boiras à ton tour ?“

A-t-il de la reconnaissance envers ce serviteur parce qu’il a fait tout ce qui lui était ordonné ?

De même, vous aussi, quand vous avez fait tout ce qui vous était ordonné, dites : “nous sommes des serviteurs quelconques. Nous avons fait seulement ce que nous devions faire.“ »