Prédication du 26 mai, "Devenir comme des enfants..."

Devenir comme des enfants…

 

La vérité sort-elle de la bouche des enfants ?

La sagesse populaire répond clairement : oui.

Pour ma part, et si vous avez vu l’annonce du culte, vous le savez déjà, je suis un peu plus réservée.

 

Lorsqu’elle dit que la vérité sort de la bouche des enfants, la sagesse populaire nourrit l’imaginaire selon lequel un enfant est a priori pur et innocent. Qu’il n’y a en lui rien de fourbe ni de trompeur. Il incarnerait l’image idéale de l’humanité qu’il s’agirait de retrouver…

 

Ça me laisse songeuse…

 

Bien sûr, il n’y a rien de fourbe chez un tout, tout, petit. Il ne pleure que lorsqu’il a mal ou faim. Pour le reste, il dort. Et très vite, il sourit. Par mimétisme, parce que tout le monde le regarde en souriant. Mais ça ne dure pas des années et des années.

 

Je reconnais aussi aux enfants un certain sans-gêne qui leur permet de dire tout haut ce que beaucoup d’adultes pensent tout bas. Ça peut faire un bien fou, même si ça laisse souvent les parents dans l’embarras.

Mais il ne s’agit pas tant d’une innocente pureté que d’une méconnaissance des codes.

 

Et puis enfin, autant vous l’avouer tout de suite, après avoir donné naissance à trois enfants, je n’ai pas dû attendre leur majorité pour réaliser que leur pureté et leur innocence étaient somme toute optionnelles. Et que je n'avais pas le bouton pour enclencher l’option quand j’en avais envie.

 

Donc l’innocence et la pureté des enfants, je doute. Même si cette interprétation a aussi été utilisée en Église pour commenter les récits que nous venons d’entendre. Les comprenant comme un appel à retrouver la pureté originelle.

 

Cela dit, je ne crois pas être la seule à douter. Quitte à paraître présomptueuse, je pense que Jésus, non plus, ne se serait pas satisfait du dicton. Et que les 2 récits que nous avons réentendus nous renvoient à d’autres enjeux, à d’autres responsabilités.

 

Dans l’évangile de Matthieu, les disciples, semblent faire concours pour savoir « qui est le plus grand dans le Royaume des cieux ».

 

Sous des allures de chamailleries de cours de récréation, leur interrogation est le reflet d’une authentique quête spirituelle pour développer la vie la plus riche possible. Et que cette richesse de vie transparaisse dans la manière dont ils sont entre eux, dans l’interaction qu’ils ont avec le monde, avec les autres et avec Dieu.

 

À cette question de savoir comment se montrer grand dans la vie, Jésus répond en recourant à l’image d’un enfant qu’il place « au milieu d’eux », comme lui-même au soir de Pâques se rendra dans la chambre haute, au milieu d’eux, pour les apaiser et les bénir.

 

Ce recours à l’image d’un enfant, avec l’appel à changer et à devenir comme lui, renvoie à la nouvelle naissance évoquée avec Nicodème.

 

Non pas le retour à un statut qui était le nôtre avant que nous ne grandissions.

Pas besoin donc de régresser.

Inutile de tenter de remonter le temps. Il n’y a qu’au cinéma que ça fonctionne.

 

Mais l’invitation, comme l’enfant de l’évangile, à entendre Jésus nous appeler par notre prénom, à nous approcher de lui, à nous laisser saisir par lui pour naître à une vie nouvelle.

 

Une vie nouvelle, et pourtant pas si différente que cela de la nôtre. Parce que, ce n’est pas tant la vie qui change que notre manière de l’appréhender.

 

L’appréhender comme un enfant, c’est l’appréhender sans a priori, sans se dire “que c’est impossible“ ou “que c’est joué d’avance“, ou “que tout est écrit“, une expression que Dieu doit détester tant il nous veut libres et responsables.

 

Appréhender la vie sans a priori et se laisser saisir par Jésus-Christ. Pour que, entre guillemets, « il nous sorte de notre préhistoire », cette histoire dans laquelle nos parents nous ont inscrits en nous donnant naissance, et qu’il nous fasse entrer dans l’absolue nouveauté à laquelle il nous invite : une naissance qui n’est pas de chair mais d’esprit.

 

À la différence de la chair, l’esprit peut faire germer en nous ce qui ne préexistait pas. L’esprit peut faire de nous ce que nous n'étions pas avant.

 

Il ne s’agit donc ni de pureté ni d’innocence. Mais d’ouverture, de confiance et de malléabilité.

 

Or, Jésus sait combien cela peut nous être difficile : l’ouverture, la malléabilité, la souplesse, la confiance.

D’où son attitude incroyablement touchante et juste qui nous est révélée par Marc.

 

Que fait Jésus après avoir insisté auprès de ses disciples pour qu’ils laissent les enfants s’approcher de lui ?

 

« Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains. »

 

Mettons tout de suite fin au suspense. Quand on lit que Jésus embrassait les enfants, ce n’est pas qu’il leur faisait des bisous.

 

Il les embrassait littéralement.

Il les prenait dans ses bras, il les entourait comme on le fait pour donner de la tendresse, pour consoler, pour protéger.

 

Une sorte de cocon d’amour.

Une sorte de cocon (et non pas de cordon, parce que ce n’est pas la même démarche), une sorte de cocon sécuritaire pour que les petits, par extension les fragiles, les trébuchants, les hésitants se sentent en sécurité et reprennent souffle.

 

Il ne s’agit pas d’un cocon étanche qui éviterait les coups tordus, la violence, l’injustice, les déceptions, et j’en passe. Un cocon étanche isolerait aussi de tout ce qui est beau et bon. 

 

Jésus nous encourage à créer un espace suffisamment rassurant pour donner ou redonner confiance, avant de laisser aller.

 

C’est déterminant pour les humains d’être dans un lieu sécure pour grandir, nous qui de tous les mammifères sommes les plus lents à apprendre à nous débrouiller seuls pour manger, nous déplacer, nous émanciper.

 

Jésus donc « les embrassait » et puis, « il les bénissait ».

 

Bénir, c’est dire du bien. Ce qui n’est pas rien. Mais bénir, c’est aussi « parler bien », c’est-à-dire, parler vrai. Parler juste.

 

Pour grandir, les enfants ont besoin de vis-à-vis qui parlent vrai. Qui décrivent justement le monde alentour et qui les outillent pour l’aborder.

 

C’est tout le sens de l’éducation, ex ducere : tirer hors de.

 

Tirer les enfants hors des chemins battus et leur donner les moyens de s’orienter en fonction de leurs choix et de leurs valeurs. Les laisser dessiner leur propre chemin.

 

Si donc nous avons à changer et à devenir, non pas redevenir, devenir comme des enfants, cela implique ces 3 choses.

 

Nous sommes appelés à lâcher nos a priori et à oser l’ouverture, la malléabilité, la souplesse, la confiance. Pour naître d’en haut.

 

Nous sommes invités à reconnaître que nous avons besoin de plus grands que nous pour nous offrir protection et sécurité.

 

Nous devons attendre de ces plus grands que nous qu’ils nous bénissent et qu’ils nous parlent avec justesse de la vie, de la mort, du monde, de la violence, de la justice, de la beauté, de l’amour pour que nous sachions tracer notre voie. Et, peut-être, la partager.

 

Amen

 

  • Lecture de Matthieu 18 : 1 à 5

A cette heure-là, les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Qui donc est le plus grand dans le Royaume des cieux ? » 

Appelant un enfant, il le plaça au milieu d’eux et dit : « En vérité, je vous le déclare, si vous ne changez et ne devenez comme les enfants, non, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. 

Celui-là donc qui se fera petit comme cet enfant, voilà le plus grand dans le Royaume des cieux. 

Qui accueille en mon nom un enfant comme celui-là, m’accueille moi-même.

 

 

  • Lecture de Marc 10 : 13 à 16

Des gens amenaient à Jésus des enfants pour qu’il les touche, mais les disciples les rabrouèrent. 

En voyant cela, Jésus s’indigna et leur dit : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le Royaume de Dieu est à ceux qui sont comme eux. 

En vérité, je vous le déclare, qui n’accueille pas le Royaume de Dieu comme un enfant n’y entrera pas. » 

Et il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.