Un jour, un jeune garçon m'a parlé d'une situation difficile qu'il vivait. Un de ses camarades de classe l'avait insulté en le traitant de gros lard qui ne plairait jamais aux filles. Le garçon l'avait alors tapé de toutes ses forces. Il me partageait sa colère envers l'autre qui était méchant et envers lui-même qui était violent, et la souffrance de ne pas savoir quoi faire.
Après l'avoir écouté et entendu sa souffrance, je lui partagé ce verset :
"Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent,
afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes."
Après un temps de silence, il m'a demandé : comment je peux aimer quelqu'un qui m'a fait si mal?
Ah! Mais quelle bonne question! Nous avons tous souffert des actes ou des paroles de quelqu'un, même de quelqu'un de proche, d'un ami, d'un parent. Jésus utilise le mot ennemi c'est un mot fort mais si percutant... Je suis sûre que vous pouvez trouver un exemple facilement, en tout cas moi j'ai déjà quelques personnes en tête!
Alors, comment aimer quelqu'un qui m'a fait mal, mon ennemi.e?
Eh bien, avec notre coeur et en prenant notre Dieu comme modèle !
Je m'explique.
L' "aimer", l'amour dont parle l’évangéliste dans ce verset, ce n'est pas sourire poliment. Ce n'est pas nier ou cacher le mal et la souffrance et se montrer sympathique, comme si la bave du crapaud ne pouvait pas nous atteindre.
Jésus lui-même n'a jamais sourit poliment à ses "ennemis" que représentaient les autorités religieuses.
Aimer n'est pas non plus se taire, comme si nous étions d'accord avec la situation. Le nombre de fois où Jésus a exprimé haut et fort sa colère, son mécontentement !
Aimer ce n'est pas donner à l'autre tout ce qu'il désire et le protéger. Le Père lui-même, bien qu'aimant infiniment son Fils, ne l'a pas mis à l'abri de tout ce qui pouvait lui faire mal. Il ne lui a pas épargné les épreuves, il l'a accompagné pour les traverser. Voilà comment Dieu nous montre l'amour, comme un chemin à parcourir ensemble. Une relation de coeur à coeur.
Un chemin à parcourir ensemble, un pas après l'autre. Car aimer, c'est être actif. Jésus ne s'est pas contenté de dire "ne haïssez pas vos ennemis", il a bien dit de les aimer. Et pas parce qu'ils le méritent, qu'ils ont raison, ou quoi que ce soit de logique. Parce que vous le choisissez.
Aimer nos ennemis est un choix. Un choix qui peut sembler aller à l'encontre de nos émotions et réactions premières, un choix qui implique de la volonté et du courage.
Ce choix, c'est de voir notre ennemi avec le regard de Dieu. De le voir comme une personne à part entière, unique, un enfant du Seigneur. C'est regarder l'autre et le relever comme Jésus l'a fait avec Zachée.
Face à celle que je considère comme mon ennemie car son attitude et ses paroles à mon encontre m'ont fait si mal le seul souhait qui me vient c'est l'éviter mais une fois croisée dernièrement, Dieu m'a aidé à la voir l'accueillir avec son regard. Sans je n'aurai pas pu. Enrhumée, je lui ai offert un mouchoir, cela peut paraitre si anodin, et pourtant ça a été un geste important pour moi à offrir à celle qui m’a tant fait souffrir. J'ai demandé aussi à Dieu son aide pour que j'aie envie de l'aimer et que j'ose l'aimer comme Dieu aime, d'un amour divin, agape !
Et comme le relève Noël Quesson "Aimer ceux qui ne nous aiment pas... c'est vraiment imiter Dieu. Faire du bien à ceux qui nous font du mal, c'est « divin » : cela demande une maturité extraordinaire... il y a dans la vengeance quelque chose d'enfantin et d'adolescent, un manque de maîtrise de soi. II faut que l'homme se hausse au niveau de Dieu, lui qui fait le bien à tous, sans dépendre d'aucune limite, d'aucune déception, d'aucun intérêt."
Et oui aimer c'est aussi choisir d'agir avec bonté malgré tout, parce que Jésus en nous est bon pour chacun, y compris pour cette personne. C'est prier Dieu pour cette personne : qu'il la bénisse aussi!
C'est trouver en nous, dans notre coeur, dans notre relation de coeur à coeur avec Dieu, un souffle de grâce (et agir sans avoir ni désirer quoi que ce soit en retour.)
Aimer ainsi, notre ennemi nous relie à Dieu, nous sommes fils et fille de Dieu, ce qui permet une grande proximité et une belle identité et cela nous libère de la rancoeur, de la médisance, de la haine.
Pour moi c'est un vrai défi mais tellement libérateur car c'est lourd à porter la haine. C'est tout un chemin d'aimer notre ennemi-e, un chemin fait de haut et de bas. Mais c'est vrai, personne n'a dit que c'était facile.
Une fois que je faisais une visite en prison, un prisonnier m'a montré une carte postale que sa victime lui avait envoyée. Un paysage verdoyant d'un côté, quelques mots de l'autre. Cette simple carte avait changé le regard du prisonnier sur lui-même, de monstre il avait été restauré en être humain. Il s'était senti considéré, "aimé" aurait dit Jésus, et ça l'avait aidé à se reconstruire.
Quelques mots, une image, un mouchoir donné, une prière, un regard, un élan du coeur, aucun pas n'est trop petit pour aimer.
C’est plusieurs de ces idées que humblement j’ai partagé et tenté d'expliquer à ce jeune garçon en colère et en souffrance.
Il a réfléchi en silence puis m'a demandé si je pouvais prier avec lui. Et voilà ses mots;
"Seigneur j'ai encore un peu mal à cause de ce que César a dit mais j'aimerais te demander de le bénir car toi tu l'aimes même si tu n'aimes pas non plus ce qu'il a dit. Et s'il te plaît aide moi à l'aimer parce que je ne veux plus le taper. Amen."
Et je peux vous dire que ça venait du cœur! J'en ai été toute émue.
J'aimerais maintenant vous proposer et vraiment vous êtes libres de le faire ou pas… de penser à un ou une "ennemi-e", une personne proche ou non, en lien avec une souffrance petit ou grande que vous vivez. Et ensemble, en silence, nous allons prier pour eux et demander à Dieu de nous aider à les regarder avec grâce et amour, de nous aider à trouver la force et le courage de les aimer... Merci d'entendre nos prières Seigneur. Amen