Prédication du 17 décembre, "Devenir parents, un droit?"

 
Prédication : En espérant une bonne nouvelle 3/3

« Devenir parents, un droit ? »

Flash info :

  • Ukraine, des soldats congèlent leur sperme avant de partir au front.
  • Elle a 38 ans, elle est célibataire, elle a décidé de congeler ses ovocytes. Témoignage.
  • Désir d’enfant : le boom du marché de la procréation assistée passe par l’étranger.
  • Enfin, au Proche-Orient, cinq bébés prématurés ont été découverts morts dans un hôpital de la ville de Gaza.

Quand on entend ces titres aux infos, et je ne les ai pas inventés, on se dit que le temps d’Elqana est bien loin. Et que la manière dont la fécondité et la stérilité sont évoquées dans la Bible sont difficilement audibles aujourd’hui.

Comment penser la maternité à la seule lumière de la bénédiction quand on apprend la mort effroyable de nouveau-nés qui manquent de soins parce qu’il y a pénurie d’électricité à cause d’une guerre ?

Comment comprendre l’affirmation que Dieu puisse décider arbitrairement de la stérilité de telle ou telle femme ? Anne plutôt que Peninna ?

Sans compter qu’avec les progrès de la médecine dans ce domaine, une telle affirmation ne fait plus vraiment sens aujourd’hui.

Oui, le temps d’Elqana est bien loin.

Par contre, ce qui demeure aujourd’hui comme hier, c’est le fait que la vie n’est pas juste.

Vous avez remarqué ?

Quand tout va bien pour nous, on a tendance, sans doute inconsciemment, à considérer que c’est normal.

Or, penser « c’est normal » quand tout va bien, c’est une manière, certes détournée, mais c’est une manière de sous-entendre que nous méritons ce qui nous arrive. C’est normal. Une belle situation, une famille unie, des enfants en bonne santé.

A contrario, « qu’ai-je fait pour mériter cela ? » traduit notre douleur, notre colère, notre incompréhension quand l’adversité s’impose dans nos vies.

Non, la vie n’est pas juste.

Elle se moque de ce qui est “normal“ ou ne l’est pas.

Peninna a des enfants. Anne n’en a pas.

Soyons clairs.

Ni l’une ni l’autre ne mérite ce qui lui arrive.

Être féconde. Ne pas l’être. Le devenir, soudainement.

Ces réalités n’ont rien à voir avec le mérite. Elles arrivent et les deux femmes font avec.

Quand on les lit en parallèle, les trajectoires mises en scène de Pennina et de Anne rejoignent les destinées de nombreuses femmes d’aujourd’hui et d’hommes aussi, puisqu’à notre époque, on ose parler de stérilité masculine.

Alors, pour décrypter quelques éléments de ce récit et lui donner une actualité, je choisis de m’attacher à Anne ; et tout particulièrement, à la signification de son prénom. Vous la connaissez sans doute. Hannah en hébreu vient du mot חן qui signifie la grâce.

Et de fait, l’histoire d’Anne nous montre comment la grâce de Dieu peut agir dans nos vies. Comment il peut les féconder, indépendamment de toute considération physiologique ou physique.

Anne est donc stérile. Et le récit donne à penser que Dieu y est pour quelque chose. Elqana avait l'habitude de donner à Peninna et à chacun de ses enfants un morceau de l'animal sacrifié ; mais à Anne, il donnait une part de choix, car il l'aimait beaucoup, bien que le Seigneur l’eût rendue stérile.

Dieu serait-il tombé sur la tête ?

Serait-il pervers ou sadique ?

Se considèrerait-il comme le marionnettiste de ses créatures ?

Je ne le crois pas.

Toute l’histoire de l’alliance, à plus forte raison, son incarnation, montrent à quel point, il est attaché au monde et aux humains.

Il n’est pas un dictateur arbitraire.

Aurait-il alors choisi de punir Anne ? Pour une raison qui ne nous est pas rapportée ? Peut-être. Quand bien même ce serait vrai, cela n’expliquerait rien. Nous croyons en un « Dieu faisant lever son soleil sur les bons et sur les méchants. ». Comment le tenir pour un adepte de la rétribution ? Ce qui justifierait qu’on puisse concevoir la stérilité comme une marque de sa punition.

On a pu le penser à une certaine époque. Pas aujourd’hui. Ce que je crois, fermement, c’est que Dieu est un adepte non de la rétribution mais de la grâce inconditionnelle.

Anne ne méritait pas d’être stérile.

Elle ne mérite pas de devenir féconde.

Certes, elle a prié pour cela. Avec véhémence. Je crois même que c’est la seule femme stérile de la Bible qui s’en prend directement Dieu pour dénoncer ce malheur-là.

La prière peut conduire à un exaucement. C’est une grâce. Mais elle ne dit rien du mérite de celui ou celle qui prie. C’est donc ailleurs qu’il faut chercher à comprendre ce qui se trame dans ce récit.

Vous l’avez sans doute remarqué, Anne vit une conversion intérieure incroyable.

Avez-vous été attentifs au moment où elle change radicalement ? Ça arrive non pas quand Anne se découvre enceinte, ce que l’on aurait pu penser. Mais juste après que Héli lui donne la bénédiction.

« Va en paix. Et que le Dieu d'Israël t'accorde ce que tu lui as demandé. » Aussitôt, Anne s'en alla et accepta de manger. La tristesse avait disparu de son visage.

De retour chez eux, Elqana connut sa femme et le SEIGNEUR se souvint d’elle.

Avant cette bénédiction, Anne priait désespérément un Dieu castrateur. Un Dieu colérique. Injuste. Méchant au point de la rendre stérile.

Dans cette compréhension qui n’était sans doute pas l’entier de sa représentation de Dieu, mais dans laquelle elle reconnaissait Dieu, tout était verrouillé.

Pas de vie. Pas d’espoir.

De l’amertume. Des pleurs. Une stérilité de tous les instants, de tous les domaines. Elqana est bien gauche dans son essai de consolation. Évidemment qu’il ne pourra jamais remplacer un enfant désiré. S’il l’a vraiment pensé, c’est qu’il n’a rien compris ni aux femmes ni à la parentalité.

Quand Anne reçoit la bénédiction divine de la bouche d’Héli, c’est comme si elle s’ouvrait enfin à la vie, au monde, à son homme, à son véritable destin.

Et alors, Dieu se souvint d’elle.

Une manière de dire qu’à ce moment, Dieu sort Anne de sa prison. Il la sort du passé où elle s’enferme, s’enferre elle-même avec l’aide un peu mesquine de Pennina, il est vrai.

Dieu sort Anne du passé et il la rend accessible, disponible, ouverte au présent.

Elle connaît son homme, Elqana, qui signifie Dieu a possédé. Elle connaît son homme et commence, en elle, la germination de Samuel.

Il a fallu que son cœur soit touché pour que ses entrailles s’ouvrent à la vie. Ce qu’elle désirait ardemment.

Aujourd’hui, lorsque c’est un choix mais une difficulté, il est plus facile de devenir parents qu’au temps d’Elqana.

L’histoire d’Anne nous rappelle néanmoins qu’il y a fécondité et fécondité.

Qu’il y a donner naissance à un enfant.

Et qu’il y a donner vie à ce qui fait notre quotidien ; à ce qui nous entoure.

Que donner naissance à un enfant, c’est accepter que d’autres puissent lui donner vie. Qu’aurait été Samuel sans Héli ?

Sans nos parents biologiques, nous ne serions rien.

Que serions-nous sans l’amour, la tendresse, la considération de celles et ceux qui nous entourent ?

Amen

 

Extraits de 1 Samuel 1

Elqana avait deux femmes : l’une s’appelait Anne et la seconde Peninna. Peninna avait des enfants, Anne n’en avait pas. 

Chaque année, Elqana se rendait de Rama à Silo pour y adorer le Seigneur, le Dieu de l'univers, et lui offrir un sacrifice. Les deux fils d'Héli étaient prêtres du Seigneur à Silo. 

Elqana avait l'habitude de donner à Peninna et à chacun de ses enfants un morceau de l'animal sacrifié ; mais à Anne, il donnait une part de choix, car il l'aimait beaucoup, bien que le Seigneur l’eût rendue stérile. Peninna, elle cherchait sans cesse à vexer Anne pour l'humilier de n'avoir pas d'enfant. 

Une année, comme Anne pleurait des insultes reçues et ne voulait rien manger, son mari lui demanda : « Anne, pourquoi pleures-tu ? Pourquoi ne veux-tu rien manger ? Pourquoi ton cœur est-il si triste ? Est-ce que je ne vaux pas mieux pour toi que dix fils ? »

Tout en pleurs, Anne alla au temple et pria le Seigneur en prononçant cette promesse : « Seigneur, Dieu de l'univers, vois combien je suis malheureuse ! Ne m'oublie pas ! Donne-moi un fils, je m'engage à le donner au Seigneur pour tous les jours de sa vie. » 

Anne pria longtemps. Héli l'observait, il voyait ses lèvres remuer, mais n'entendait aucun son, car elle priait intérieurement. Héli pensa qu'elle était ivre.

« Non, je ne suis pas ivre, répondit Anne. Je suis une femme malheureuse et je suis ici pour confier ma peine au Seigneur. 

Alors Héli déclara : « Va en paix. Et que le Dieu d'Israël t'accorde ce que tu lui as demandé. » Aussitôt, Anne s'en alla et accepta de manger. La tristesse avait disparu de son visage.

De retour chez eux, Elqana connut sa femme et le SEIGNEUR se souvint d’elle. Aux jours révolus, Anne enfanta un fils. Elle l’appela Samuel. Après l’avoir sevré, elle l’emmena au sanctuaire de Silo où il devint servant.