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Lecture de Matthieu 4 : 18 à 22
Comme Jésus marchait le long de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon appelé Pierre et André, son frère, en train de jeter le filet dans la mer : c’étaient des pêcheurs.
Il leur dit : « Venez à ma suite et je vous ferai pêcheurs d’hommes. »
Laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent.
Avançant encore, il vit deux autres frères : Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, dans leur barque, avec Zébédée leur père, en train d’arranger leurs filets. Il les appela.
Laissant aussitôt leur barque et leur père, ils le suivirent.
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Lecture de Jean 1 : 35 à 42
Le lendemain, Jean se trouvait de nouveau au même endroit avec deux de ses disciples. Fixant son regard sur Jésus qui marchait, il dit : « Voici l’agneau de Dieu. »
Les deux disciples, l’entendant parler ainsi, suivirent Jésus. Jésus se retourna et, voyant qu’ils s’étaient mis à le suivre, il leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils répondirent : « Rabbi – ce qui signifie Maître –, où demeures-tu ? » Il leur dit : « Venez et vous verrez. » Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait et ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là ; c’était environ la dixième heure.
André, le frère de Simon-Pierre, était l’un de ces deux qui avaient écouté Jean et suivi Jésus. Il va trouver, avant tout autre, son propre frère Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie ! » – ce qui signifie le Christ. Il l’amena à Jésus. Fixant son regard sur lui, Jésus dit : « Tu es Simon, le fils de Jean ; tu seras appelé Céphas » – ce qui veut dire Pierre.
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Prédication, “Nom de code: agneau de Dieu!”
Ce récit de l’évangile de Jean est complètement déroutant. Au sens premier du terme, parce qu’il nous fait prendre des chemins insoupçonnés pour aborder la question de la suivance du Christ.
Si je vous avais demandé, au tout début du culte : “ Comment s’est passé l’appel des premiers disciples ? “, je fais le pari que votre récit aurait ressemblé à celui de l’évangile de Matthieu : Jésus va son chemin, voit des hommes, les interpelle, et eux, ils quittent tout pour le suivre.
Rien de tel dans l’évangile de Jean.
Le seul point commun avec Matthieu, c’est que Jésus marche.
Nous le savons aujourd’hui, pendant les 3 années de son ministère, Jésus n’a cessé de marcher. D’arpenter les terres d’Israël-Palestine. Un territoire de quelque 60 kilomètres de long et 30 de large.
La marche lui a permis dans un double mouvement d’aller à la rencontre du plus grand nombre en ouvrant un horizon lorsque tout semblait bouché. Mais aussi, pour lui, de puiser dans les gestes des plus petits une large part du sens de sa vie.
Jésus est donc en marche, il est en mouvement. Pour autant, dans l’évangile de Jean, il ne va pas à la pêche aux hommes. Il ne recrute pas. Il profite, si vous me passez l’expression, de Jean le Baptiste, le précurseur, qui lui fait de la pub et qui joue les rabatteurs.
C’est en effet Jean qui, pour la deuxième fois, voit Jésus et le présente à celles et ceux qui l’entourent avec cette étrange formule « Voici l’agneau de Dieu ».
Oh, je sais, cette formulation n’a rien d’étrange pour nous. On la répète, on la chante, ici-même, durant la liturgie, semaine après semaine.
Rien de nouveau sous le soleil !
Quoi que…
Souvenez-vous, l’agneau. C’est Moïse qui avait ordonné qu’on le sacrifie. Pour être agréable à Dieu. Le remercier de ses dons et s’assurer de ses bénédictions.
L’agneau devait être un premier-né, âgé d’un an, pris dans le troupeau parce qu’il était sans défaut. Il était sacrifié par le chef de famille pour le péché. Une sorte de bouc émissaire.
À l’époque de Jésus, les choses ont changé. Seuls les prêtres ont le droit de verser le sang de l’agneau au pied de l’autel. Un resserrement de la pratique qui dit que désormais, seul le Temple a le pouvoir sur le péché.
Le Temple, donc les religieux, donc l’institution.
En désignant Jésus comme l’agneau de Dieu, Jean frôle le sacrilège.
C’est un pied-de-nez à l’égard des autorités juives.
C’est surtout le signe que le véritable sacrifice qui plaît à Dieu ne ressemble pas à un abattoir à moutons mais à une conversion du cœur.
Le sacrifice qui plaît à Dieu ne se trouve pas dans des épanchements de sang, mais dans le partage de l’amour.
C’est là une conversion à 180 degrés par rapport à la religion et aux pratiques de l’époque.
C’est peut-être bien pour cela que l’évangéliste insiste pour dire que Jésus s’est retourné pour découvrir André et l’autre disciple. Le verbe utilisé pour ce « retournement » est le même que celui de la conversion.
Une manière de préfigurer qu’à l’instar du maître et ami, ceux qui suivent Jésus n’auront d’autres choix que de sortir des sentiers battus. Des routines. Des traditions.
Désigner Jésus comme l’agneau de Dieu, c’est donc tout un programme qui commence par une incroyable subversion. La libération du système religieux.
Quand donc Jésus se retourne, qu’il voit André et l’autre disciple, il s’adresse à eux et leur demande : « Que cherchez-vous ? ».
Ce sont là ses premiers mots dans l’évangile de Jean. Et quels mots. Il n’affirme rien, n’assène pas de vérité. Il questionne. Par ses mots, Jésus manifeste une pleine attention aux autres. Il les rejoint dans leurs attentes.
Vous l’avez remarqué.
2 disciples. Un seul prénom. Une interpellation…
… Ne serait-ce pas pour nous permettre d’entendre notre propre prénom résonner à cette question de Jésus : « Que cherchez-vous ? »
Non pas « qui » mais « que ».
Que cherchons-nous ? Au plus profond de nous ? Dans la vie ? Dans nos professions ? Dans nos loisirs ? Dans la foi ? Dans les bonnes résolutions de début d’année ? Dans les vœux que nous échangeons ?
Que cherchons-nous ?
Je ne saurais répondre à votre place. Mais je m’ouvre volontiers de mes réflexions…
… C’est très contextuel, et très personnel mais ce que je recherche le plus aujourd’hui, c’est la capacité renouvelée de m’émerveiller.
Dans un monde désenchanté.
Au gré d’une actualité qui semble avoir confisqué la joie, l’espoir, la justice, et même l’amour.
Garder la capacité de m’émerveiller car il y a forcément de quoi s’émerveiller encore. De quoi s’émerveiller malgré. Si Dieu y a laissé son empreinte, le monde ne peut pas se résumer à ce que l’actualité nous en montre.
« Que cherchez-vous ? »
Les disciples ont été plus prosaïques. Ils se sont contentés de demander à Jésus où il demeurait.
C’était quand même bien vu. Parce qu’en livrant son adresse, son lieu d’origine, sa provenance, on dit déjà quelque chose de soi.
Se présenter comme venant de Nazareth ou de Bethléhem, ça n’est pas pareil.
S’afficher comme le fils du charpentier ou celui de Marie, ça n’est pas tout à fait pareil, non plus.
Revendiquer des ancêtres nobles ou assumer un arbre généalogique avec des moutons noirs, ça change.
Par chance, Jésus n’a pas répondu à ceux qui devenaient ses disciples en livrant une adresse. Nul doute qu’une basilique aurait été construite à cet endroit. Elle n’aurait pas nécessairement résisté aux affres du temps et aux conflits.
Jésus n’a pas livré son adresse.
Il a délivré une invitation.
« Venez et vous verrez ».
Pour venir, il faut quitter son chez soi. Pour voir, il faut sortir de son aveuglement.
Une double invitation donc à se mettre en route.
À devenir des pèlerins. Qui ont le ciel comme horizon et la terre pour socle.
Une invitation aussi à s’éloigner de la tradition pour que Jésus nous touche au cœur.
C’est précisément par cela que se termine le récit. Le cœur.
André va chercher son frère et l’amène à Jésus qui lui dit « Tu es Simon, le fils de Jean ; tu seras appelé Céphas » – ce qui veut dire Pierre. »
Confier un nom à quelqu’un, c’est l’appeler à une tâche. Lui révéler une vocation. Lui ouvrir un avenir.
Simon signifie « Dieu a entendu ». Jésus le renomme, Pierre. Il devient ainsi le rocher, souvent gaffeur dans les évangiles, mais le rocher capable de déplacer des montagnes.
En le renommant, Jésus brise tout ce qui aurait pu enfermer Simon dans une histoire sans surprise. Il lui promet un nouveau commencement. Une nouvelle naissance.
Alors, ce matin, je vous invite à vous laisser rejoindre par ce récit de l’appel des premiers disciples qui n’a rien de conventionnel.
À la suite de Jean-Baptiste, d’autres que vous ont désigné le Messie avant vous. Ils et elles l’ont fait pour vous.
Regardez-le se retourner vers vous.
Entendez-le qui vous nomme et vous ouvre un avenir.
Allez et voyez à sa suite.
Le chemin s’ouvrira sous vos pas. Avec ses joies et ses aléas.
Mais avec un horizon promis par Dieu. Amen
Avec le commentaire de Jean Debruynne