Prédicatioin du 22 décembre, "Dieu serait-il toujours ailleurs?"

 

Dieu en chemin 4/4

Dieu serait-il toujours ailleurs ?

 

« Jésus étant né à Bethléem, voici que des magesvenus d'Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ?» 

 

Oups.

Bethléem… Jérusalem…

Y aurait-il une erreur d’aiguillage ? L’étoile se serait-elle trompée ?

Les mages se seraient-ils trompés d’étoile ?

 

Impossible aujourd’hui de le dire. Mais le fait est que l’étoile qui avait guidé les mages depuis l’Orient s’est arrêtée. Et que ce n’est pas au bon endroit.

 

On peut la comprendre, l’erreur.

Parce que, la capitale du Royaume, la grande ville, celle qui attire les nobles et les notables, celle qui devrait voir la naissance d’un roi, c’est Jérusalem, pas Bethléem.

 

Elle est donc compréhensible, l’erreur, d’où qu’elle vienne, et je vous avoue qu’elle me fait sourire. Comme le dit mon cher collègue Ramelet en parlant du quiproquo : « Le drame de Dieu, c’est qu’on le prend toujours pour un autre, Jésus en sait quelque chose. »

 

Et c’est exactement ce qui se passe, dès sa naissance. Jésus n’est qu’un tout petit, et déjà son histoire nous donne à comprendre qu’il y a des erreurs d’aiguillage dans le monde.

Ou pour le dire autrement, que les pseudo-évidences doivent être interrogées car elles peuvent se révéler trompeuses.

 

Cette réalité qu’avec Jésus la marche du monde continue, mais qu’elle n’est plus tout à fait la même qu’avant et qu’il faut peut-être interpréter les signes et la réalité autrement, on a fini par s’y résoudre.

 

Particulièrement en regard de la fin de vie de Jésus. Sa croix, scandale, folie, non-sens pour tous. Sauf pour ceux qui se laissent toucher par l’insaisissable sagesse d’un Dieu tout aussi insaisissable.

 

Mais c’est vrai que la croix comme scandale.

La faiblesse comme force.

La folie comme sagesse, on a enregistré.

 

Je ne dis pas que c’est facile, mais on a enregistré et on essaie de comprendre.

 

On questionne moins souvent, l’erreur d’aiguillage à la naissance de Jésus. Sauf à dire qu’il est né dans une grotte ou une étable et non pas dans l’auberge. Et alors, on tient très vite un discours moralisant sur ce manque d’accueil.

 

Mais le dilemme sur la ville, on le passe volontiers sous silence. Pourtant.

 

En bonne logique humaine, je le disais, le roi des Juifs aurait dû naître à Jérusalem, la grande ville. La ville des grands.

 

En bonne logique divine le roi des Juifs naît à Bethléem. Une toute petit bourgade.

 

Loin de l’image de la toute-puissance qui lui colle à la peau, en cette période de Noël, Dieu nous rappelle qu’il a commencé par être tout-petit.

 

Dépendant des autres pour se nourrir, se vêtir, se développer. À la merci de ses aînés comme le sont tous les nourrissons.

 

Jésus naît à Bethléem.

Les mages pensent le rencontrer à Jérusalem.

 

Tel est le quiproquo d’une vie.

Le quiproquo du Dieu des chrétiens.

Il est rarement là où on l’attend.

 

C’est inconfortable de vivre avec un Dieu qui cultive, à ce point, cette part d’imprévisibilité.

 

C’est qu’on ne peut pas mettre la main sur lui.

On ne peut pas le faire nôtre. Ni le réduire à la conception qu’on en a.

Difficile d’anticiper ses paroles ou ses actions.

 

En un mot comme en trois, “il nous échappe“. 

Encore et toujours.

 

Mais ce n’est pas parce qu’il nous échappe qu’il s’échappe de notre monde.

 

C’est même tout l’inverse.

Le fait qu’il vient l’habiter, ce monde, dit l’imprévisibilité d’un Dieu tel qu’on se l’était représenté jusqu’alors.

 

Le tout-autre, le tout-puissant, l’omniscient, le créateur tout-lointain.

 

Désormais, il devient le tout-petit. L’archi-dépendant. Le très-bas. L’infiniment proche.

 

Qui aurait misé sur un tel Dieu ?

 

Avant d’en avoir fait l’expérience dans ma vie, je n’aurais sans doute pas misé sur lui.

 

Hérode non plus.

Hérode, il a été placé là où il est par les Romains.

Il est certain de sa légitimité.

Sûr de son fait.

Grisé par le pouvoir.

 

Je ne sais pas si, à l’époque, on usait de la différence entre pouvoir et autorité.

Mais ce qui est sûr, c’est qu’Hérode se sent et se sait puissant.

 

Pourtant, il se découvre soudain troublé. 

Le récit le laisse entendre.

Son attitude, surtout.

 

C’est le seul, de tous les protagonistes du récit de la nativité, qui ne bouge pas. 

Il ne se laisse mettre en route à aucun moment.

Il reste vissé à son trône, de peur qu’on lui pique la place.

 

Mais paradoxalement, c’est peut-être bien lui qui va nous faire comprendre l’erreur d’aiguillage.

 

Les mages s’enquièrent du roi des Juifs.

 

Ce qui rend Hérode fébrile. On peut le comprendre. L’actualité nous montre hélas, combien les prérogatives des décideurs leur semblent indiscutables.

 

Les mages s’enquièrent du roi des Juifs. Hérode, fébrile, troublé, rassemble les grands prêtres et les scribes et leur demande où le Messie doit naître.

 

Vous avez entendu la nuance ?

On est subrepticement passé du roi des Juifs au Messie.

On ne dit pas tout à fait la même chose suivant qu’on utilise la première ou la seconde expression.

 

L’attitude d’Hérode en est d’ailleurs révélatrice. Il n’a rien à craindre ni de sa famille, ni de ses sujets, ni des intrigues de la cour, ni des revendications des soldats : il les tient.

Une main de fer dans un gant de fer.

 

Celui qui le fait trembler est un roi d’un autre type.

Il est de la lignée de David.

Un roi désigné par Dieu en personne.

Un Messie.

 

Hérode interroge donc les spécialistes du culte. Où le Messie doit-il donc naître ?

 

Et la réponse tombe : à Béthléem.

 

Cette réponse, elle est due à une prophétie de Michée et à une parole de Samuel dans son deuxième livre.

 

Michée prophétise pour Béthléem une gloire incomparable.

Samuel promet à David un descendant qui sera le vrai berger d’Israël.

 

Hérode se résout donc à envoyer les mages à Bethléem, avec les sordides arrière-pensées qu’on lui connaît.

 

Contrairement à quelques grands puissants de notre époque, il ne fait pas le déplacement. Comme quoi, Bethléem, c’est vraiment pas Notre Dame.

 

De Jérusalem à Bethléem, Dieu serait-il toujours ailleurs ? 

 

Oui et non.

 

Oui, parce que toujours il nous échappe.

Ne se laissant pas confiner là où on voudrait l’assigner.

 

Non, parce que jamais il ne cesse de venir nous rencontrer là où nous sommes.

 

Y compris quand on a l’impression d’être seul.

Quand on a l’impression de crier dans le désert.

 

Lorsque je questionne et n’entends pas de réponse.

Lorsque je me débats au cœur de l’injustice.

Lorsque je désespère, je crois que Dieu est.

Je crois qu’il est là.

À côté de moi. En moi.

 

Et que c’est lui qui me permet d’avancer, sous le soleil comme dans l’obscurité.

Amen

 

  • Lecture de 1 corinthiens 1 : 18 à 21

La parole de la croix, en effet, est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui sont en train d'être sauvés, pour nous, elle est puissance de Dieu. Car il est écrit : Je détruirai la sagesse des sages et j'anéantirai l'intelligence des intelligents. Où est le sage ? Où est le docteur de la loi ? Où est le raisonneur de ce siècle ? Dieu n'a-t-il pas rendue folle la sagesse du monde ? En effet, puisque le monde, par le moyen de la sagesse, n'a pas connu Dieu dans la sagesse de Dieu, c'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient.

 

  • Lecture de Matthieu 2 : 1 à 6

Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son astre à l'Orient et nous sommes venus lui rendre hommage. » A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple, et s'enquit auprès d'eux du lieu où le Messie devait naître. « A Bethléem de Judée, lui dirent-ils, car c'est ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n'es certes pas le plus petit des chefs-lieux de Juda : car c'est de toi que sortira le chef qui fera paître Israël, mon peuple. »