Dieu ou l’attraction terrestre
Cher Joseph,
Je t’écris depuis le coin de ma terrasse.
Elle est orientée sud-est. Le bruit de l’autoroute, juste en dessous, y est quasi inaudible.
Les Dents du Midi et le Grammont dominent. Majestueux.
Depuis quelques semaines, la neige saupoudre les sommets. Elle a même frôlé la plaine ces derniers jours.
Tu en as vu de la neige, toi ?
Tu sais, c’est de l’eau qui, à bonne température, -enfin bonne, environ 1 ou 2 degrés- se transforme en flocons blancs. Des petits duvets. Légers. Virevoltants.
Un peu comme de la manne. Ça te parle peut-être plus.
Les ancêtres de tes ancêtres ont raconté…
Le désert qui durant 40 ans, se teintait de blanc au matin. Une sorte de rosée. Cette manne qui permettait au peuple de prendre de la force pour la marche de chaque jour. La manne, un aliment quotidien qui ne se gardait pas au-delà de la journée. Elle pourrissait dès le soir tombé.
Si je traduis littéralement l’hébreu « man-hou », la manne, ça signifie « qu’est-ce que c’est ? ».
Comme si Dieu, durant 40 ans, avait nourri ton peuple, son peuple, de questions pour le faire progresser depuis l’Égypte où il était esclave jusqu’en terre promise.
Des questions, mon cher Joseph, j’avoue en avoir plein la tête en cette fin d’année.
Même bousculés par l’actualité, les humains d’aujourd’hui sont pétris de certitudes, de convictions.
Ils aiment asséner leur vérité et sont de moins en moins enclins au dialogue. Résultat : des conflits meurtriers surgissent un peu partout sur la terre.
Des hommes, des femmes, des enfants, meurent inutilement. Et les chefs des peuples, certains chefs, de trop nombreux chefs d’État s’enferrent dans une politique absurde, meurtrière, inhumaine.
Mais je digresse. Excuse-moi.
J’en reviens à toi. Ou plutôt à ta compagne, Marie. Ton aimée, ta promise, celle que tu désires mais qui n’est pas encore ton épouse.
Son ventre s’est arrondi.
Elle te l’a avoué en se balançant sur ses 2 pieds et en mordillant ses lèvres. Ne sachant trop comment te dire les choses. Comment t’annoncer cette nouvelle extra-ordinaire. Rêve de tous les jeunes couples de votre époque. Mais qui, vu les circonstances, pourrait virer au cauchemar pour elle comme pour toi.
Dieu sait que tu n’y es pour rien dans cette grossesse.
Enfin, je dis ça. En l’occurrence, peu importe ce que Dieu sait. Toi, tu sais que tu n’y es pour rien.
Elle porte un enfant dont tu n’es pas le père. On dirait, aujourd’hui, un enfant dont tu n’es pas le géniteur. Je ne sais pas si, à ton époque, on faisait tant que ça la différence. De toute façon, ce n’est pas exclusif. On peut devenir père sans avoir été géniteur.
Moi-même, j’apprends à dire que j’ai donné naissance à mes enfants. Mais que nous sommes bien plus nombreux à leur avoir donné vie, à leur donner vie, jour après jour.
Je ne sais pas ce que Marie a lu sur ton visage alors qu’elle t’annonçait la nouvelle de sa grossesse. Mais sache, mon cher Joseph, que tu forces mon respect tout en stimulant ma curiosité.
Les récits qui me racontent ton histoire précisent que tu es un homme juste. Je t’admire pour cela. L’éthique, j’y tiens.
Ce qui attise ma curiosité, c’est que selon la justice de ton époque, Marie, tu aurais dû la répudier. Elle aurait dû être lapidée. Entraînant avec elle dans la mort, l’enfant qu’elle portait.
Tu y as songé. Avec l’idée de faire les choses bien. Donc discrètement.
Au final, ta justice, ou devrais-je dire ta justesse dans l’approche de la situation, a sauvé deux vies, celles de Marie et de Jésus !
Chapeau bas.
Marie peut sortir de chez elle sans craindre les jets de pierres.
Toi, par contre, je t’imagine volontiers courbant les épaules et l’échine sous le regard moqueur de tes voisins qui ne voient en toi qu’un cocu ou un faible.
Tu sais, j’ai suivi une formation en gestion de crise. J’ai côtoyé quelques états-majors. Je fais le pari qu’en EM, comme on dit, aucun responsable ne t’aurait recommandé d’agir comme tu as agi.
Je crois que c’est pour cela que je t’apprécie tant.
Tu brises les codes au nom de la vie.
Je parlais tout à l’heure de justice, de justesse. Je devrais peut-être parler d’ajustement. Parce que, ce qui me frappe dans ton histoire, c’est ton ajustement à la situation.
Je ne dis pas que ça n’a pas bouillonné dans ta tête et dans tes tripes. Mais il y a eu ce moment où tu as réalisé que l’important n’était pas tant d’avoir un comportement juste au sens de la loi que d’être juste.
Que d’être ajusté à la situation en fonction de tes valeurs et de tes envies. En prenant en considération ta vie, mais aussi celle de Marie et de l’enfant à venir.
Grâce à ce temps de la réflexion et de l’ajustement, tu as évité l’orgueil de te prendre pour Dieu.
Tu as évité l’aliénation qui consiste à être sous la coupe d’un dieu-tyran : juge tout-puissant au jugement définitif pour bien montrer qui est le maître.
Alors, certes. Un ange est apparu et il t’a bien aidé. Quand tu ruminais sur la situation, il ne t’a pas envoyé une table de pierre sur laquelle le rappel de la loi était gravé. Il s’est adressé à toi pour chasser tes peurs. Pour exclure toute menace répressive de la part de Dieu.
Tu l’as écouté.
Tu l’as entendu.
Tu as cheminé pour aller au-delà de la sanction de mort qui s’annonçait comme une évidence.
Tu t’es ainsi donné la chance de naître à la paternité.
Tu as permis à Marie de naître à la maternité.
Ça vous a bousculés.
Ça continue de nous bousculer.
L’époque dans laquelle je vis est troublée. Au moins autant que la tienne.
Alors vois-tu, mon cher Joseph, je me plais à rêver, que des anges continuent à venir chasser nos peurs, à venir stimuler nos réflexions, à encourager notre ajustement à la réalité. Pour que nous engendrions de la vie, de la lumière, de la justice, de l’amour, de l’espérance.
Je me plais à rêver d’une nouvelle naissance pour chacune et chacun. Cette naissance d’en-haut qui ouvre au meilleur.
Et je me plais à penser que ton fils peut, et même qu’il veut nous aider pour un tel accouchement.
Bien à toi, Line Dépraz, pasteure à la cathédrale de Lausanne
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Lecture de ésaïe 11
Un rameau sortira de la souche de Jessé, un rejeton jaillira de ses racines.
Sur lui reposera l'Esprit du SEIGNEUR :
esprit de sagesse et de discernement,
esprit de conseil et de vaillance,
esprit de connaissance et de crainte du SEIGNEUR
– et il lui inspirera la crainte du SEIGNEUR.
Il ne jugera pas d'après ce que voient ses yeux,
il ne se prononcera pas d'après ce qu'entendent ses oreilles.
Il jugera les faibles avec justice,
il se prononcera dans l'équité envers les pauvres du pays.
De sa parole, comme d'un bâton, il frappera le pays,
du souffle de ses lèvres il fera mourir le méchant.
La justice sera la ceinture de ses hanches
et la fidélité le baudrier de ses reins.
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Lecture de Matthieu 1
Voici quelle fut l'origine de Jésus Christ. Marie, sa mère, était accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu'ils aient habité ensemble, elle se trouva enceinte par le fait de l'Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la diffamer publiquement, résolut de la répudier secrètement. Il avait formé ce projet, et voici que l'ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l'Esprit Saint, et elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » Tout cela arriva pour que s'accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète : Voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d'Emmanuel, ce qui se traduit : « Dieu avec nous ». A son réveil, Joseph fit ce que l'ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse, mais il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus.